Semaine 29/23 – Suisse – Le préjudice déraisonnable faute de garanties de l’Etat de droit dans l’échange international automatique

L’article 19 alinéa 2 LEAR dispose, à la deuxième phrase, que « si la transmission de données entraîne pour la personne devant faire l’objet d’une déclaration un préjudice déraisonnable faute de garanties de l’état de droit », elle peut se prévaloir de la protection offerte par l’article 25a PA contre des actes fondés sur le droit public et s’avérant illicites. Il s’agit de notions juridiques indéterminées, non encore jugées, qui ont ouvert la voie au recours auprès du Tribunal fédéral conformément à l’article 84a LTF et ont conduit à son arrêt 2C_946/2021 du 6 juin.

Selon l’instance antérieure, les termes ci-dessus signifient qu’une personne qui est visée par un échange automatique de renseignements peut s’y opposer si elle prouve, ou tout au moins rend vraisemblable, que cet échange représente une violation de l’ordre public au sens de l’article 21 alinéa 2 lettre d. MAC. Le Tribunal fédéral renvoie à son arrêt 2C_750/2020 du 25 mars 2021 (voir notamment notre blog de la semaine 22/21) interprétant la notion d’ordre public et conclut qu’une personne qui fait valoir de manière suffisamment précise et crédible que l’échange de renseignements automatique l’exposera concrètement, dans l’Etat partenaire, à des actes contraires à l’ordre public peut obtenir le sursis à l’exécution de l’échange par une décision sujette à recours. Il y a violation de l’ordre public lorsque des principes fondamentaux du droit sont violés ou que l’acte en question est incompatible avec l’ordre juridique et les valeurs suisses, que le résultat est en contradiction choquante avec le sens et l’esprit de sons propre ordre juridique ou qu’il heurterait de manière intolérable le sentiment du droit en Suisse.

Le tribunal reconnaît, conformément à la jurisprudence de la CourEDH, que les données bancaires sont des données personnelles protégées par l’article 8 CEDH et que leur transmission représente une atteinte à la vie privée de leur titulaire. Au vu des différents moyens que les textes légaux mettent en place pour éviter la diffusion des données communiquées par l’échange automatique hors du cadre de celui-ci, ce n’est toutefois que dans la mesure où la violation alléguée de l’article 8 CEDH se confond avec l’ordre public tel que défini ci-dessus qu’une personne peut demander à l’Administration fédérale des contributions de rendre une décision en application de l’article 25a PA sur la base de l’article 19 alinéa 2 LEAR. En d’autres termes, octroyer des droits procéduraux dans le cadre de l’échange automatique de renseignements en présence d’un grief de violation de l’article 8 CEDH irait au-delà de la réserve de l’ordre public de l’article 21 alinéa 2 lettre d. MAC.

Enfin, les recourants n’avaient établi ni l’absence de protection des données dans l’Etat partenaire ni en quoi le risque pour eux de la transmission des renseignements constituerait une violation de l’ordre public. Quant au risque allégué pour leur sécurité et l’enlèvement, il est lié à leur fortune, qui est, selon les faits constatés, déjà de notoriété publique, de sorte que l’on ne voit pas – continue le Tribunal fédéral – que l’échange automatique puisse leur faire encourir un risque supplémentaire à cet égard.

Le recours a été rejeté.