Semaine 12/21 – Suisse – Des provisions et réserves en droit fiscal

C’est sur l’admissibilité d’une provision pour produits différés que porte le litige ayant donné lieu à l’arrêt 2C_712/2020 du Tribunal fédéral du 4 mars.

A cette occasion, il est à rappeler que le principe de la déterminance du droit comptable est ancré dans les lois fiscales. L’autorité de taxation procède donc d’abord au contrôle du respect des normes comptables des états financiers sur lesquels l’assiette de l’impôt sera basée et, si nécessaire, corrige le bilan. Comme les lois prévoient certains ajustements, tels  que ceux à l’article 58 alinéa 1 lettre b. LIFD, pour passer de la comptabilité à la fiscalité, dans une deuxième étape, elle s’assure du respect de ces dispositions aussi et, le cas échéant, procède à des reprises.

Se pose ici la question de la portée fiscale des normes comptables reconnues dans le sens de donner une true and fair value des comptes, plus proche de la réalité économique. Les comptes présentés selon de telles normes, comme les prévoient les articles 962a ss CO, ne sont pas déterminants pour le droit fiscal. En d’autres termes, il n’est pas possible d’en tirer des arguments qui iraient à l’encontre du principe de la déterminance et des corrections fiscales légales.

L’arrêt rappelle aussi que pour être admise selon les articles 63 alinéa 1 lettres b. et c. LIFD et 10 alinéa 1 lettre b. LHID, une provision doit être  justifiée par l’usage commercial (à examiner sur la base de tous les éléments en présence et au regard de la situation prévalant au moment où le bilan est établi) et découler de faits qui se sont déroulés dans la période  de calcul. Elle doit servir à couvrir un risque de perte imminent. En ce qui concerne les engagements provisionnés, pour être admis selon l’article 63 alinéa 1 lettre a. LIFD et l’article 10 alinéa 1 lettre b. LHID, ils doivent reposer sur la loi ou sur un contrat. Les engagements conditionnels en font partie, pour autant que la réalisation de la condition soit très vraisemblable.

En l’espèce, la provision litigieuse pour produits différés avait été constituée à la suite de la vente d’un immeuble par la recourante, qui s’était réservé le droit de le racheter dans une période n’excédant pas vingt ans, au prix de la vente indexé à la hausse selon l’indice suisse des prix de consommation. Le droit d’emption a été exercé déjà l’année suivant la vente, le prix de rachat étant identique au prix  de la vente. Dans ces circonstances, le tribunal a jugé que la provision avait été créée uniquement pour faire face à des dépenses futures de la recourante et que dès lors elle était à qualifier de réserve. Sa dissolution par l’autorité de taxation avait donc été fondée et le recours a été rejeté.