Semaine 6/21 – Suisse – Qualification fiscale des versements faits en exécution d’un devoir moral ou d’une obligation coutumière

Les versements litigieux dans l’arrêt 2C_148/2020 du Tribunal fédéral du 19 janvier avaient été faits à une contribuable suisse par une société commerciale étrangère, au titre d’exécution d’une « obligation coutumière ou naturelle » pour la dédommager de la perte dans un attentat de son mari. Pour la bénéficiaire, il s’agissait de donations, exclues de l’impôt sur le revenu conformément à l’article 24 lettre a. LIFD, alors que pour l’autorité de taxation et pour le tribunal administratif cantonal, ces versements faisaient partie du revenu imposable de la recourante.

Après avoir rappelé que l’impôt sur les donations et l’impôt sur le revenu sont exclusifs l’un de l’autre, que des prestations périodiques peuvent aussi constituer des donations, que la question de savoir si l’impôt sur les donations a été prélevé ou non n’est pas une condition d’application de l’article 24 alinéa a. LIFD, le Tribunal fédéral s’est attardé sur l’essence de l’animus donandi, élément subjectif, qui était seul en cause, l’élément objectif, la gratuité des versements, n’étant pas contestée.

Il a, à l’instar de l’instance antérieure, considéré, qu’une société à but commercial est dépourvue de l’animus donandi et que les versements qu’une telle société pourrait faire relèvent de motifs économiques (voir l’arrêt 2C_379/2019 du 8 juin 2020, notamment dans notre blog de la semaine 27/20).

Puis, il s’est penché sur la question de savoir si, à supposer qu’à titre exceptionnel selon les circonstances, l’animus donandi puisse être reconnu à une société commerciale par le biais de son actionnaire, les versements faits en vertu d’un devoir moral peuvent être qualifiés de donations. Après un examen de la jurisprudence, principalement cantonale, non univoque, le tribunal a laissé ouverte la question de savoir si l’existence d’un devoir moral exclut la donation sous l’angle fiscal, à l’instar de l’article 239 alinéa 3 CO. Mais il a conclu que « l’exécution d’un devoir moral découlant du respect d’une coutume », comme la recourante avait présenté les motivations des versements, était incompatible avec l’animus donandi car ils ne procédaient pas d’un choix libre et discrétionnaire de leur auteur.

Le Tribunal fédéral a rejeté le recours confirmant ainsi le bien-fondé par l’autorité inférieure de la qualification de revenu des versements en cause.