Semaine 41/23 – Suisse – Admissibilité de la déduction de provisions pour cotisations AVS ; interprétations divergentes de deux services de la même autorité

Dans la cause 2C_487/2022, jugée par le Tribunal fédéral du 5 septembre, la question de déductibilité se posait en relation avec des revenus repris au titre de bénéfice de la vente de parcelles agricoles, qui n’entraient pas dans le champ d’application de la LDFR et étaient situées en zone à bâtir.

De jurisprudence constante, l’admissibilité fiscale d’une provision suppose d’une part la justification commerciale de la charge et d’autre part sa comptabilisation. L’admission d’une provision non comptabilisée doit néanmoins être fiscalement admise, exceptionnellement, s’il est procédé à une correction du bilan à la suite de la violation d’une norme impérative du droit commercial et sans qu’il s’agisse de compenser une omission comptable imputable au contribuable (voir notamment l’arrêt 2C_784/2017 du Tribunal fédéral du 8 mars 2018, consid. 7.3). En revanche, il est admis de corriger une provision pour impôts bien comptabilisée, mais qui s’est avérée insuffisante à la suite d’une reprise effectuée dans le bénéfice imposable (voir l’arrêt 2C_662/2014 du Tribunal fédéral du 25 avril 2015, consid. 6.5).

Pour ce qui est des cotisations AVS plus particulièrement, le Tribunal fédéral avait jugé que l’autorité de taxation devait d’office calculer le montant vraisemblablement dû par le contribuable pour la période concernée et provisionner ce montant afin que la taxation corresponde le plus possible à sa situation réelle (voir notamment notre blog de la semaine 11/20). Dans le cas d’espèce, le contribuable, intimé, déclarait ses cotisations dans l’année du paiement ; il n’avait donc pas créé de provision comptable. Mais le montant élevé non comptabilisé de sa dette substantielle de cotisations résultant de la reprise dans son revenu imposable avait pour effet de violer l’article 960e alinéa 2 CO. De plus, la non-comptabilisation n’avait pas été fautive, car il ne pouvait pas savoir que les autorités fiscales allaient reprendre le montant de la vente dans son revenu, alors qu’il avait déjà été taxé sous l’angle de l’impôt sur les gains immobiliers.

Jugeant que l’instance précédente n’avait pas violé le droit fédéral en admettant la déductions des cotisations AVS en cause du revenu de l’intimé à titre de provision pour l’IFD, le tribunal a rejeté le recours de l’autorité de taxation.

Le même traitement aurait été appliqué en matière d’ICC si le bénéfice immobilier avait été intégré au revenu imposable du contribuable et n’avait pas été taxé au titre de gain immobilier. Le tribunal a relevé à cet égard que lorsque deux services distincts de la même autorité – en l’occurrence celui des gains immobiliers et celui de taxation des personnes physiques – peuvent être compétents, il appartient à celui qui statue en premier de procéder aux investigations nécessaires et d’appréhender le cas dans sa totalité. Le service des gains immobiliers avait en l’espèce fait preuve de négligence et il n’appartenait pas au contribuable d’en supporter les conséquences (voir notamment l’arrêt 2C_908/2019 du Tribunal fédéral du 20 octobre 2020, consid. 3.2) ; en d’autres termes, le même gain avait été traité comme gain en capital au regard de l’ICC et comme revenu imposable en matière d’IFD, avec les conséquences divergentes pour ce qui est des cotisations AVS.