Semaine 11/19 – Suisse – Taxation par estimation (TVA) / taxation d’office (impôts directs)

I. L’arrêt A-2826/2017 du 12 février du Tribunal administratif fédéral offre une illustration de la procédure de taxation par estimation, qui peut être schématisée comme suit (voir aussi le blog de Ilex Fiduciaire des semaines 3/16 et 5/17) :

 

1. Principe de base

Dans le système de l’auto-taxation qui régit la TVA, l’assujetti a l’obligation de déterminer lui-même la créance fiscale, de la déclarer à l’Administration fédérale des contributions et de payer l’impôt dû. Celle-ci se limite à des vérifications (art. 77 LTVA), contrôle (art. 78 LTVA) et le cas échéant à la taxation par estimation (art. 79 LTVA).

La tenue d’une comptabilité et la conservation des pièces font partie des obligations essentielles de l’assujetti.

 

2. Conditions de la taxation par estimation
Formellement, il faut que les documents comptables fassent défaut ou soient incomplets ; matériellement, il faut que les résultats présentés par l’assujetti ne correspondent manifestement pas à la réalité (art. 79 al. 1 LTVA), parce que des indices laissent apparaître qu’ils ne cernent pas avec exactitude la situation réelle ou parce qu’ils s’écartent sensiblement de ceux obtenus au moyen de coefficients expérimentaux.

 

3. Mode de procéder

Une fois les conditions réunies, l’Administration fédérale des contributions a l’obligation de procéder à la taxation par estimation, en choisissant la méthode qui lui permet de tenir au mieux compte des conditions particulières prévalant chez l’assujetti et qui aboutit à un résultat s’approchant le plus de la réalité. Le recours à des coefficients expérimentaux n’a en principe rien de critiquable. Ces coefficients sont établis sur une base statistique et ne constituent ni règles de droit ni moyens de preuve semblables à des livres comptables. L’administration doit expliquer dans sa décision comment elle a fait usage de son pouvoir d’appréciation dont cette méthode relève ; il ne suffit pas qu’elle cite les coefficients expérimentaux, mais elle doit expliquer les critères et la base statistique motivant sa décision. L’assujetti a le droit d’être entendu sur ces chiffres, y compris de consulter le dossier spécial y afférent.

 

4. Procédure de recours

Le recourant peut remettre en cause, d’une part, la réalisation des conditions de la taxation par estimation et, d’autre part, l’estimation du chiffre d’affaires en tant que telle. L’administration doit, elle, prouver que les conditions d’application de la taxation par estimation sont réunies.

Puis, elle doit prouver qu’elle a procédé correctement à l’estimation. Le Tribunal administratif fédéral fait preuve de retenue lors de son analyse de l’exactitude de l’estimation, en ce sens qu’il ne sanctionne qu’un excès ou un abus du pouvoir d’appréciation ; il contrôle aussi si l’administration a suffisamment motivé la décision entreprise.

C’est alors au recourant qu’il revient de prouver le caractère manifestement inexact de l’estimation, sous peine d’en supporter les conséquences, c’est-à-dire tolérer l’incertitude qui résulte nécessairement de l’estimation opérée du fait de la violation de ses devoirs.

 

II. La publication la même semaine de l’arrêt 2C_435/2017 du 18 février du Tribunal fédéral donne l’occasion de prolonger le schéma ci-dessus en relation avec la taxation d’office, dans la mesure où sur les questions de procédure devant le Tribunal fédéral, il n’y a pas de différence entre la taxation par estimation et la taxation d’office.

Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral rappelle que c’est avec retenue qu’il examine les estimations, se limitant aux seules erreurs manifestes. Il n’intervient qu’en cas d’erreurs grossières dans la méthode ou dans le calcul.

La question de savoir si l’état de fait se prête à une taxation d’office est une question de droit. Si tel est le cas, il y a lieu de vérifier si la méthode d’estimation de l’instance antérieure est appropriée ; cette question est aussi une question de droit. Un procédé est approprié lorsqu’il est reconnu comme compréhensible et plausible et, en comparaison avec d’autres méthodes, applicable au cas d’espèce. L’estimation elle-même est en revanche une question de fait.