Semaine 38/19 – Suisse – TVA : la renonciation à une rente de superficie en tant que subvention

L’arrêt 2C_233/2019 que le Tribunal fédéral a rendu le 29 août est intéressant de trois points de vue.

1. Sur le plan procédural, il rappelle :

  • le traitement que la LTF réserve aux décisions incidentes, qu’elles tombent sous le coup de l’article 92 ou 93 alinéa 1. Un arrêt de renvoi constitue en principe une décision incidente, contre laquelle le recours au Tribunal fédéral n’est ouvert qu’aux conditions des articles 92 et 93 LTF, à moins que l’autorité à laquelle l’affaire a été renvoyée n’ait eu aucune marge de manœuvre.
  • La portée très restreinte de l’exception de l’article 99 alinéa 1 LTF permettant la production de nouvelles pièces.

2. En rapport avec le droit d’être entendu, garanti par l’article 29 alinéa 2 Cst., il est à retenir que :

  • Ce droit se rapporte surtout à la constatation des faits et le droit des parties d’être interpellées sur des questions juridiques n’est reconnu que de manière restreint. Par conséquent, l’autorité n’est en principe pas tenue de soumettre aux parties, pour prise de position, le raisonnement qu’elle entend tenir ; en fait exception le cas où elle envisage de fonder sa décision sur une norme ou un motif juridique non évoqué dans la procédure antérieure et dont aucune des parties ne s’est prévalue et ne pouvait supputer la pertinence.
  • L’obligation du juge de motiver sa décision est remplie, et le droit d’être entendu respecté, lorsqu’il mentionne, au moins brièvement, les  motifs qui l’ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause.

3. Au fond, la question centrale était de savoir si la renonciation des pouvoirs publics à percevoir une rente de superficie pendant les périodes litigieuses constituait ou non une subvention, avec les conséquences sur la réduction proportionnelle de la déduction de l’impôt préalable de la partie intimée+.  De jurisprudence constante, lorsque l’Etat verse une contribution en vue d’encourager et soutenir un certain comportement qui corresponde à l’intérêt public, il s’agit d’une subvention, ce comportement n’étant pas une contre-prestation au sens de la TVA. Il est aussi admis par la jurisprudence qu’une subvention puisse prendre la forme d’une compensation, dans le sens où la collectivité renonce à une prestation dont le bénéficiaire lui est redevable.

La particularité de ce contentieux résidait dans la relation entre la renonciation des pouvoirs publics à percevoir une rente de superficie pendant les années litigieuses et le retour sans indemnité des constructions à l’extinction du droit de superficie. Pour le Tribunal administratif fédéral, ces deux éléments étaient en corrélation, ce qui l’a conduit à voir un rapport d’échange entre les deux. Pour le Tribunal fédéral, en revanche, la relation doit être établie selon une approche économique : pour qu’un rapport d’échange de prestations soit admis, il faut que la rente de superficie et l’indemnité équitable pour les constructions aient une valeur économique équivalente. Or, au terme de la convention de superficie, les constructions seront complètement amorties; la valeur résiduelle nulle explique la gratuité du retour. L’absence de rente de superficie ne pouvant compenser économiquement l’absence d’indemnisation pour le retour des constructions, il n’y a pas de raison de s’écarter de la qualification de subvention, applicable lorsque la collectivité publique renonce à une rente de superficie pour des motifs d’intérêt public, en l’occurrence la construction d’un parking public.