Semaine 35/20 – Singapour – La portée de la clause « forum of administration » dans un trust deed

La Cour d’appel de Singapour, la plus haute instance du pays, a rendu le 3 juillet son arrêt dans la cause Ivanishvili, Bidzina v Credit Suisse Trust Ltd, [2020] SGCA 62, dont le principal intérêt ne réside pas dans l’arrière-plan du scandale bancaire retentissant dont la justice pénale genevoise a eu à s’occuper ces dernières années et dont les demandeurs n’étaient de loin pas les seules victimes, mais dans la question de savoir quelle est la portée d’une clause dans le trust deed désignant Singapour comme le « forum of administration ».

 Les demandeurs étaient les bénéficiaires du Mandalay Trust, un trust régi par le droit de Singapour, avec, erreur aussi commune que grossière, la banque à la fois agissant comme trustee (Credit Suisse Trust Ltd de Singapour) et comme banque (Credit Suisse AG par sa succursale à Genève).

Ainsi, la principale question litigieuse qui retient notre intérêt concerne la portée de la clause déclarant que « … the Proper Law shall be the law of … Singapore and the Courts of the Republic of Singapore shall be the forum for the administration hereof” . Le tribunal a jugé que la référence expresse aux tribunaux du pays faisait de cette clause une clause de juridiction, c’est-à-dire attributive de compétence.

La question suivante était de savoir si cette compétence juridictionnelle se limitait à des questions en rapport avec l’administration du trust ou s’appliquait aussi à des contentieux hostiles (« hostile litigation »), relevant, comme dans le cas d’espèce, d’abus de confiance (« breach of trust »). La majorité des juges ont répondu par l’affirmative, écartant la compétence juridictionnelle de la Suisse, alléguée par la défenderesse. Il n’en demeure pas moins que l’avis minoritaire, en faveur de la compétence des tribunaux suisses est très intéressant dans la mesure où il met en lumière la mauvaise gestion du trust (les demandeurs avaient correspondu directement avec la banque, souvent sans que le trustee en ait même eu connaissance, celui-ci se limitant à des tâches de second ordre). Ainsi, les pertes infligées par la banque et les rapports directs que les bénéficiaires avaient entretenus avec elle ont eu pour effet d’affaiblir le rôle du trustee et, par là même, le lien de la cause avec la compétence juridictionnelle de Singapour.