Semaine 34/25 – Suisse – De la qualité de partie à la procédure d’assistance administrative internationale

L’arrêt A-5608/2023 que le Tribunal administratif fédéral a rendu le 24 juillet dans le cadre d’une demande d’assistance administrative en provenance de la France donne l’occasion de passer en revue un certain nombre de questions générales relevant du droit administratif et de la procédure administrative, au-delà de la question litigieuse de savoir si la recourante avait ou non qualité de partie à la procédure d’assistance administrative.

  1. Pour reconnaître une décision – telle que définie par l’article 5 alinéa 1 PA – il n’est pas indispensable que l’acte administratif en cause soit désigné comme décision. Ce qui est déterminant, c’est le contenu de l’acte. Il constituera une décision si son contenu implique un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l’autorité et l’administré, même s’il n’est pas intitulé comme tel et ne présente pas certains éléments formels typiques d’une décision, telle l’indication des voies de droit.L’article 35 alinéa 1 PA prévoit que même si l’autorité les notifie sous forme de lettre, les décisions écrites doivent être désignées comme telles, motivées et indiquer les voies de droit.L’article 35 alinéa 1 PA prévoit que même si l’autorité les notifie sous forme de lettre, les décisions écrites doivent être désignées comme telles, motivées et indiquer les voies de droit. Les conséquence d’un acte qui remplit matériellement les caractéristiques d’une décision mais ne respecte pas les exigences de l’article 35 PA s’apprécient au regard du principe de la bonne foi. Ainsi, le destinataire d’un acte ne respectant pas ces conditions formelles ne peut pas simplement l’ignorer, mais est au contraire tenu de l’attaquer dans le délai ordinaire pour recourir ou, en cas de doute, d’entreprendre, dans un délai raisonnable, les démarches nécessaires pour sauvegarder ses droits, notamment se renseigner sur les moyens d’attaquer cet acte.
  2. Le droit constitutionnel du justiciable d’être entendu comprend notamment le droit pour lui de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. Le respect de ce droit impose à l’autorité l’obligation de motiver clairement sa décision, c’est-à-dire de manière à permettre à l’administré d’en saisir la portée et de l’attaquer en connaissance de cause. A cette fin, la décision doit indiquer clairement les faits établis et les déductions juridiques tirées de l’état de fait déterminant ; la motivation peut le cas échéant être implicite et résulter des considérants.
    La violation du droit d’être entendu est en principe sanctionnée par l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Elle peut toutefois être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s’exprimer devant une autorité de recours jouissant d’un plein pouvoir d’examen.
  3. En matière d’assistance administrative, l’article 19 alinéa 2 LAAF accorde la qualité pour recourir à la personne concernée au sens de l’article 3 lettre a. LAAF, ainsi qu’aux personnes remplissant les conditions posées à l’article 48 PA. Parmi celles-ci figurent les personnes ayant un intérêt digne de protection. Le seul fait pour une personne non concernée d’avoir son nom figurer dans la documentation destinée à être transmise à l’Etat requérant ne suffit pas pour lui reconnaître un intérêt digne de protection ; il faut qu’elle puisse se prévaloir d’autres circonstances, comme, par exemple, un risque concret que l’Etat requérant ne respectera pas le principe de la spécialité, qui a vocation à la protéger (voir notamment notre blog de la semaine 33/20).
  4. L’article 13 Cst est consacré à la protection de la sphère privée et l’alinéa 2 plus particulièrement accorde à chacun le droit à l’autodétermination informationnelle, c’est-à-dire la garantie de rester maître de toutes données le concernant. En revanche, les personnes morales ne peuvent bénéficier de la protection de la LDP ; le traitement de leurs données par des organes fédéraux est soumis à l’article 57r LOGA, mais il n’existe pas de droit d’accès similaire à celui prévu par l’article 25 LPD, ce qui peut soulever des problèmes de constitutionnalité, qui échappent à la compétence du Tribunal fédéral.

    Dans ce contexte, la question s’était posée de savoir si des personnes morales dont la qualité pour recourir ne ressortait pas de manière évidente du dossier pouvaient s’annoncer auprès de l’Administration fédérale des contributions pour demander le caviardage des renseignements les concernant. Elle avait trouvé une réponse affirmative de la part tant de cette administration que du Tribunal fédéral (voir notamment notre blog de la semaine 33/20), le principe de l’égalité de traitement devant bien entendu servir de cadre.

     

Dans le cas d’espèce, la recourante n’était pas une personne concernée par la demande d’assistance. Son nom n’apparaissait que sur les relevés d’un compte bancaire – dont la personne concernée était titulaire et ayant-droit économique – mais uniquement comme partie payeuse et récipiendaire de versements. N’ayant pas la qualité de partie, la recourante avait failli à rendre vraisemblable un intérêt digne de protection pour consulter le dossier d’une procédure pendante.

Son recours a été rejeté.