Après les deux instances antérieures, le Tribunal fédéral a aussi considéré, dans son arrêt 2C_846/2022 du 15 décembre, que l’impôt préalable que la recourante avait décompté et payé en pleine conformité avec les alinéas 1 lettre a. et 3 de l’article 28 LTVA devait être repris au motif d’évasion fiscale (voir notamment notre blog de la semaine 39/22). Il s’agissait de la TVA sur des factures de sous-traitance que la recourante avait payée mais que la prestataire n’avait pas versée à l’Administration fédérale des contributions.
Après avoir écarté le grief d’arbitraire dans l’appréciation des preuves et dans l’établissement des faits au motif qu’il n’était pas insoutenable d’imputer le défaut de paiement de la société de sous-traitance à la recourante parce que les deux sociétés étaient liées, le tribunal s’en est tenu à la vingtaine de faits caractérisant une construction insolite selon l’arrêt attaqué.
Globalement, il s’agissait
- de factures émanant d’une société à responsabilité limitée,
- constituée par un ancien employé de la recourante,
- avec des fonds mis à sa disposition sous forme de prêt par l’actionnaire et administrateur de celle-ci,
- sur le compte bancaire de laquelle société celui-ci avait un accès et un droit de regard,
- et a été de ce fait qualifié d’administrateur (alors que dans une société à responsabilité limitée il ne pouvait être que gérant) de fait, pourtant en contradiction avec la notion dégagée par la jurisprudence.
Pour avoir en outre engendré une partie majeure de ses revenus par les travaux sous-traités par la recourante et avoir été liquidée peu de temps après avoir été vendue à « un administrateur habitué à effectuer ce genre de liquidations », cette société a été jugée incapable de justifier – alors que le fardeau de la preuve ne pouvait pas incomber à la recourante – son existence en dehors des travaux sous-traités et donc insolite.
La planification fiscale et l’abus qu’en constitue l’évasion sont le fait du contribuable. Or, dans le cas d’espèce, la société jugée insolite a été créée grâce à une avance de fonds faite à son fondateur, associé et gérant unique par l’actionnaire de la recourante et elle a été exploitée par son gérant. Comme il a été relevé dans notre blog de la semaine 39/22, l’évasion fiscale par délégation semble désormais admise.
Par ailleurs, lorsque l’on sait l’empressement qu’a montré l’Administration fédérale des contributions à voir la cause jugée avant la fin de l’année pour des raisons de prescription, l’on est en droit de se demander, sans être irrespectueux de l’institution, si l’affaire n’a pas été quelque peu bâclée. En effet, on lit dans l’arrêt du Tribunal fédéral que la recourante n’a pas déposé d’observations sur les prises de positions des autorités qui lui avaient été communiquées. Cette affirmation est contredite par la preuve postale de la réception par le tribunal, dans le délai imparti, des observations de la recourante.