Dans la cause 9C_22/2024, jugée par le Tribunal fédéral le 21 mars, le transfert immobilier à l’origine du litige était qualifié dans l’acte notarié comme « donation immobilière avec constitution d’un usufruit », en échange de la reprise par les donataires de la dette hypothécaire. La contestation par l’autorité de taxation, recourante, de l’arrêt attaqué portait sur la qualification de donation, bénéficiant du report d’imposition sur les gains immobiliers, de la juridiction précédente. Elle se fondait sur le fait que la somme de la valeur capitalisée de l’usufruit et le montant de la dette hypothécaire repise n’était pas inférieure à la valeur de l’immeuble sur le marché et soutenait être dès lors en présence économiquement d’une vente.
Le tribunal a d’abord rappelé que le report d’imposition s’applique non seulement aux donations pures, mais également aux donations mixtes (voir notamment nos blogs des semaines 16/21 et 48/23), celles-ci se caractérisant certes par la volonté de donner, mais aussi par la disproportion objective entre les prestations échangées. Abordant la question de la marge de manœuvre laissée aux cantons par l’article 12 LHID – limitée pour assurer la concordance entre l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les gains immobiliers -, il a rappelé sa jurisprudence aux termes de laquelle la réserve de l’usufruit n’est pas une contre-prestation car l’immeuble est transféré déjà grevé du droit d’usage stipulé, c’est-à-dire à une valeur réduite de la valeur capitalisée de l’usufruit (voir notamment notre blog de la semaine29/19).
Quant à la portée de la disproportion entre les prestations caractérisant la donation mixte, selon sa jurisprudence plus récente, le report d’imposition peut encore être accordé si la différence entre la contre-prestation et la valeur vénale de l’immeuble est inférieure à 25% (voir notamment notre blog de la semaine 48/23). Or, la définition de la donation selon la disposition cantonale en cause (art. 58 al. 3 et 4 LCdir/NE) repose uniquement sur la forme de la contre-prestation et fait entièrement abstraction de la condition de disproportion, pourtant nécessaire pour que l’on puisse accorder le report de l’imposition au titre de donation mixte.
En accordant d’emblée le report en vertu du droit cantonal, les juges cantonaux avaient, selon le Tribunal fédéral, violé l’article 12 alinéa 3 lettre a. LHID. Il a annulé l’arrêt attaqué et a renvoyé la cause à l’instance qui l’avait rendu pour un nouvel examen (s’agissant de la disproportion, il manquait la constatation de la valeur vénale et s’agissant de l’usufruit, il fallait statuer sur la question de savoir si la disposition du droit cantonal l’inclut ou non dans la contre-prestation, sachant que les cantons peuvent adopter l’une ou l’autre option sans violer la LHID) et une nouvelle décision.