C’est le 30 janvier que le Tribunal fédéral a enfin rendu son arrêt dans la cause 2C_219/2022, en le médiatisant par un communiqué de presse le jour de sa mise en ligne. Il a ainsi statué sur le recours dont il avait été saisi en 2022 contre l’arrêt que le Tribunal administratif fédéral avait rendu le 21 février 2021 confirmant, avec quelques réserves, la décision de l’Administration fédérale des contributions d’accorder l’assistance administrative demandée par la Russie le 30 octobre 2018 en vue d’établir, en rapport avec l’article 10 CDI RU-CY, si des sociétés chypriotes, qui avaient encaissé sur leurs comptes bancaires en Suisse des dividendes provenant d’une société russe, en étaient les bénéficiaires effectifs. L’invasion de l’Ukraine par la Russie avait eu des conséquences directes et indirectes sur la procédure – plusieurs suspensions à la requête des recourantes (au sujet de la première, voir notamment notre blog de la semaine 24/22) et de l’Administration fédérale des contributions, suspension temporaire de l’échange de renseignements par le Conseil fédéral le 16 septembre 2022 (voir notamment notre blog de la semaine 24/22) et suspension partielle de la CDI (à l’exclusion toutefois de l’article 25a consacré à l’échange de renseignements) par la Russie le 8 août 2023 (voir notamment notre blog de la semaine 32/23). Faute de signes tangibles que la situation politique était en passe d’évoluer dans un avenir prévisible, la procédure avait été reprise le 13 novembre 2023.
La question juridique de principe au sens de l’article 84a LTF, qui était posée au Tribunal fédéral et qui a rendu le recours recevable, était de savoir si, dans le contexte actuel, l’échange de renseignements avec la Russie était admissible, en particulier eu égard à la nationalité, ukrainienne, des personnes concernées.
Les recourantes soutenaient que la transmission des renseignements en cause serait contraire à l’ordre public. Pour l’Administration fédérale des contributions, il convenait de suspendre à nouveau la procédure puisque la situation politique n’avait pas évolué.
Le tribunal a suivi les recourantes. Il a jugé que donner suite à la demande de la Russie, qui n’était plus membre du Conseil de l’Europe ni partie à la CEDH et avait été suspendue du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, n’offrirait pas les garanties nécessaires, surtout à des citoyens ukrainiens, contre des violations élémentaires des droits de l’homme ou des garanties fondamentales de l’Etat de droit. La communication a ainsi été refusée au motif qu’elle serait contraire à l’ordre public et au principe de spécialité. Le tribunal a aussi rappelé que les décisions en matière d’assistance administrative ne jouissent pas de l’autorité matérielle de la chose jugée, ce qui laissait la possibilité à la Russie de déposer ultérieurement une demande similaire.